« Rire est ma raison de vivre, pleurer est ma façon d'exister » Bonneau Arthur
Combien de fois nous nous sommes interdits de pleurer ? Combien de fois nous nous sommes cachés pour pleurer ? Combien de fois avons nous réprimés les pleurs de nos enfants ?
Pourquoi les pleurs sont-ils si peu valorisés dans notre société ?
Il est grand temps de se défaire de ces croyances populaires qui veut "qu'un Homme fort ça ne pleure pas", que "pleurer est un signe de faiblesse ou de vulnérabilité", qu'un "enfant qui pleure est capricieux, difficile ..."
Oui il est grand temps de redorer les lettres de noblesse aux pleurs, de changer la représentation que l'on en a et de reconnaître leur pouvoir thérapeutique.
Et si nous pouvions considérer les larmes comme salvatrices et faisant partie intégrantes de ce que nous sommes, alors nous pourrions les accueillir avec bienveillance comme on accueille le sourire et le rire.
Car oui, pleurer est un mécanisme naturel, « une nécessité biologique, une tentative de guérison, un effort visant à stabiliser l’organisme » (A. Janov).
Qu’est-ce qu’on sait des pleurs ?
- William Frey, biochimiste au centre médical Saint-Paul-Ramsey du Minnesota, spécialiste du système lacrymal, a détecté dans les larmes humaines la présence d’adrénaline et de noradrénaline, deux substances de stress. Dans le cadre d’une recherche, après avoir comparé les larmes d’irritation (déclenchées par les émanations des oignons) et les larmes d’émotion (provoquées par le visionnage d’un film très triste), il a constaté que la concentration des substances liées au stress était bien plus importante dans les larmes d’émotion que dans les larmes d’irritation. Or, l’élimination de ces substances permettrait justement d’atténuer l’excitation du système nerveux sympathique et de passer d’un état de stress à un état de détente, nous permettant ainsi de rétablir un équilibre physiologique, une homéostasie.
- « Pleurer crée une stimulation physiologique suivie d’une profonde relaxation. C’est un moyen très efficace de réduire la tension psychologique, d’abaisser la tension artérielle et le rythme cardiaque » (Aletha Solter, psychologue suisse-américaine, docteur en psychologie à l’université de Californie à Santa Barbara)
- Chez l’enfant, pleurer est d’autant plus libérateur que l’énergie dépensée est importante. Avez-vous remarquer que lorsqu’un enfant pleure, son corps tout entier s’agite, il se cambre, ses jambes et ses bras remuent de manière impulsive et désordonnée. Nous autres adultes nous ferions probablement la même chose si nous nous laissions parcourir complètement par nos émotions.
Pleurer permet ainsi de libérer le corps de ses déchets organiques, de relâcher les tensions intérieures et musculaires, de rétablir la respiration ...
Pleurer soulage et apaise, et peut aussi nous permettre de nous libérer de certaines blessures.
Les pleurs chez le tout petit
1) Pourquoi ?
Premier moyen d’expression chez l’enfant.
L’enfant ne pleure jamais par plaisir, il vient nous exprimer un besoin. Cela peut être un besoin physiologique (faim, sommeil, douleur, hygiène,…) mais bien souvent il s’agit aussi d’un besoin d’être rassurer (sur sa propre existence) et d’un besoin de libérer ses tensions intérieures.
« Les pleurs d’un bébé ne sont pas forcément un appel en rapport avec des besoins physiologiques. Quand un bébé pleure apparemment sans raison, c’est qu’il est en train de se réparer. Il a vécu, récemment ou moins récemment, une certaine souffrance qu’il n’a pu exprimer sur le moment. Il a stocké cette non-manifestation sous forme de tensions intérieures. Il a besoin de les libérer. Les larmes sont l’expression de ce processus thérapeutique d’évacuation. Elles ne sont pas la souffrance, mais le signe de la guérison de la souffrance»(Isabelle Filliozat)
Mais vu son très jeune âge, de quelle souffrance parle t-on ? … Un accouchement qui s’est mal passé ou qu’il a vécu dans la peur ou la douleur (et qu’il revit bien des semaines plus tard)… des manques, des frustrations, des surstimulations ou au contraire un manque de stimulation … on imagine pas à quel point la sensibilité de nos touts petits a des raisons d’être blessée dans ce monde nouveau qu’il découvre et qui est bien différent de ce qu’il a connu jusqu’à présent.
2) Courbe physiologique
Il existe un pic des pleurs chez tout nourrisson vers 6-8 semaines, y compris en âge corrigé chez les prématurés. Celui-ci va progressivement décroître jusqu’à 6 mois.
Pendant ce pic, certains bébés peuvent pleurer plusieurs heures par jour (5-6 heures): dans 95% des cas il n’y a aucune pathologie.
Le mot « colique », que l’on associe souvent aux pleurs, ne devrait plus être autant utilisé : c’est un mot fourre-tout qui a induit beaucoup de parent en erreur car tous les pleurs ne sont pas des symptômes digestifs.
Les pleurs prédominent à partir de la fin d’après-midi, le soir et en début de nuit.
3) Que faire ?
Autant il peut être facile de répondre à des pleurs relevant des besoins physiologiques autant on peut se sentir impuissants, frustrés, coupables, vulnérables face à des pleurs qui persistent.
Et pourtant c’est dans ces moments là que les pleurs ont besoin d’ être accompagné, accueilli plutôt que réprimer. Accompagner est bien le terme adéquat puisqu’il s’agit d’être présent pour l’enfant, afin de le rassurer et ce même s’il continue à pleurer malgré tout.
Permettre à l’enfant de pleurer à « satiété » dans les bras bienveillants et sécurisants d’un adulte, lui accorder toute notre attention sur ce qu’il vit sans jugement, sans attentes … signifie pour lui la plus belle des promesses et de reconnaissance de son existence propre.
Devenons des spectateurs enthousiastes et non plus atterrées ... acceptons de laisser déborder cette émotion sans se sentir menacé de destruction … favorisons ces larmes si libératrices et nécessaires pour lui en étant à ses côtés.
Alors bien sûr, ce n’est pas toujours évident d’accepter tout ça en tant que parent. D’autant que les pleurs sont difficilement supportables pour notre cerveau. L’hypersensibilité sonore, la transmission des représentations sociétales, l’inquiétude pour la santé de notre enfant (issu de notre propre chair) et parfois la réactivation de nos propres blessures émotionnelles, fait que nous avons plutôt tendance à vouloir les faire taire. Ces pleurs nous stressent, nous inquiètent et parfois même viennent nous dévaloriser quand à nos capacités parentales.
Mais rappelez vous :
- Plus vous accompagnerez ces pleurs et plus vous permettrez à votre enfant de se libérer. Un bébé à qui on permet de pleurer à satiété dans les bras sécurisants d’un adulte tendra à pleurer moins que les enfants chez qui on ne le permet pas et à jouir d’un sommeil plus paisible.
- Si votre enfant pleure en votre présence c’est qu’il se sent en confiance avec vous et qu’il peut s’autoriser à le faire car il sait que vous pouvez tout pour lui.
- Et surtout ne culpabilisez pas si par moment cela vous procure du stress, de l’épuisement, de l’exaspération et même de la colère. Ces émotions sont normales. Parlez de votre difficulté à quelqu’un qui pourra vous soutenir, passez le relais si cela devient trop compliqué, évacuez vos émotions en les verbalisant et surtout en vous autorisant à PLEURER vous aussi car pleurer c’est aussi bon pour vous.
Être parent n’est pas un long fleuve tranquille, cela bouleverse tellement de choses en nous qui ont besoin d’être libérer.
Pourquoi s’interdit-on de pleurer
Mais pas de rire
Pourquoi s’interdit-on de crier
Mais pas de sourire
Et si nous laissions couler ces larmes
Comme une délivrance
Et si nous laissions couler ces larmes
Symbole de notre existence
Témoin de nos chagrins inapaisés
Parfois de nos souffrances cachées
Elles nous désarment
Au plus profond de notre âme
Mais si nous prenions le temps de les écouter
Pour enfin laisser émerger
Cette histoire qui est la nôtre
Cet espoir qui est le nôtre
Qu’elles sont belles ces larmes
Fruit de mon vacarme
Comme un baume sur la douleur
Elles viennent raviver mon cœur
Qu’elles sont belles ces larmes
Qui nous alarment
De ces petits maux indiscernables
Qui nous rendent vulnérables
(Extrait de "Recueil de poèmes pour vivre" B.MARCHAND. Tous droits réservés)