Les bénéfices du Peau à peau

Le peau à peau ce n’est pas juste une façon de porter son enfant, ce n’est pas juste un simple toucher, ce n’est pas juste un peau contre peau, ce n’est pas juste cet instant que l’on vit au moment de la naissance … Non, le peau à peau c’est bien plus que cela. Le peau à peau c’est des bénéfices pour les parents et leur bébé maintenant connus et parfois aussi des bénéfices inattendus.

Le peau à peau c’est un soin, c’est un besoin absolument nécessaire que l’on devrait pratiquer chaque jour, chaque heure, chaque minute. Le peau à peau c’est une nécessité pour celui qui vient de naître et aussi longtemps que cela lui est nécessaire.

Alors faisons en sorte qu’il soit pratiqué le plus possible, chez tout les nouveau-nés et encore plus chez l’enfant prématuré …

Petit tour d’horizon des nombreux bénéfices du peau à peau.

Le nouveau-né n'est pas en mesure de réguler sa température aussi bien qu'un adulte.

Il se refroidit ou se réchauffe beaucoup plus vite et ne peut supporter que des

variations limitées de la température ambiante. Plus le nouveau-né est petit et prématuré, plus le risque est grand.

La pratique du peau à peau est la méthode la plus simple, la plus rapidement disponible et l’une des plus efficaces pour assurer sa régulation thermique. Grâce à un phénomène qu’on appelle la synchronisation thermique.

La synchronisation thermique entre la température cutanée de la mère/ ou du père et celle de son enfant favorise un réchauffement rapide du bébé en hypothermie légère et un refroidissement du bébé en légère hyperthermie.

La température cutanée dans la zone de la poitrine chez la mère se situe entre 34 à 35 °C. L’expérience a montré que sous l’effet vasodilatateur de l’ocytocine, la température de la poitrine pouvait augmenter encore un peu lorsque le bébé était posé en peau à peau. Dans une étude remarquable , Ludington-Hoe & Al. ont mis en évidence que la température cutanée de la mère s’adaptait au besoin de chaleur de l’enfant : la température cutanée augmentait jusqu’à plus de 35 ou 36 °C, pour fournir de la chaleur à l’enfant, et quand celui-ci était réchauffé, elle s’abaissait pour éviter de lui faire courir un risque d’hyperthermie.

La stabilité cardiaque des nouveau-nés placés en peau à peau dans les cinq premières minutes de vie est supérieure à celle des enfants placés plus tardivement. Il est donc bénéfique pour le nouveau-né d’initier le soin peau à peau aussitôt que cela est possible après la naissance.

Quel que soit son âge gestationnel, et l’aide respiratoire que le bébé reçoit, le peau à peau améliore sa capacité respiratoire, sa fréquence cardiaque et sa saturation en oxygène : le bébé respire mieux et plus régulièrement.

Dans une étude portant sur 34 nouveau-nés, d’âge gestationnel moyen entre 34 et 35 SA, et pesant entre 1 200 et 2 200 g, les nouveau-nés placés directement en peau à peau à la naissance, de façon continue, présentaient tous – 100 % – une adaptation cardio-respiratoire stable à 6 heures de vie contre seulement 46 % de ceux placés en incubateur pendant les 6 premières heures de vie. (Bergman NJ, Linley LL, Fawcus SR Randomized controlled trial of skin-to-skin contact from birth versus conventional incubator for physiological stabilization in 1 200- to 2199-gram newborns. Acta Paediatr. 2004 Jun)

Le peau à peau diminue également les apnées et les bradycardies. Une étude avait décrit une petite augmentation de la fréquence des épisodes de bradycardie et de désaturation en oxygène pendant le peau à peau, mais qu’on croit plus liée à la position inadaptée du nourrisson.

Une diminution significative des pleurs a pu être montrée dans de nombreuses études.

On a constaté non seulement une baisse significative de la durée des cris mais aussi une intensité moins importante lors du contact en peau à peau.

De plus les nouveau-nés qui bénéficient d’un soin peau à peau prolongé de plus de 60 mn présentent de moindres quantités de cortisol salivaire (hormone produite par les surrénales est responsable du stress), témoignant ainsi de l’effet apaisant du peau à peau. (Takahashi Y, Tamakoshi K, Matsushima M, Kawabe T. Comparison of salivary cortisol, heart rate, and oxygen saturation between early skin-to-skin contact with different initiation and duration times in healthy, full-term infants. Early Hum Dev. 2011)

« Les chercheurs parlent aujourd’hui de l'habitat naturel du nouveau-né comme étant le corps de sa mère, ou alternativement, de son père. La biologie du bébé est pré-programmé pour évoluer dans cet habitat particulier et se comporter de manière à subvenir à ses propres besoins en chaleur, en nourriture et en réconfort. Autrement, il est en « état de séparation » et devient alors en « mode de survie » avec ses hormones de stress qui s’élèvent rapidement et le déstabilisent » (Janie Vachon-Robillard, consultante en Peau à peau de l'United States Institute of Kagaroo Care)

L’hypoglycémie du nouveau né est causée soit par une réserve ou une production insuffisante de glucose (prématurité, RCIU, médicaments maternels, désordres métaboliques, dysfonction métaboliques,…) soit par une consommation excessive de glucose ( hypothermie, détresse respiratoire, infection, stress, pleurs ...)

Étant donné que les bébés en peau à peau utilisent moins de ressources énergétiques pour réguler leur température, stabiliser leur fréquence cardiaque et leur respiration, gérer le stress et les pleurs, ils diminuent par conséquence leur risque d’hypoglycémie.

Plus le temps de peau à peau est long, plus l’adaptation de l’enfant est facile à son nouvel environnement et moins coûteuse sur le plan énergétique et métabolique.

Le soin peau à peau peut diminuer le nombre d’heures de photothérapie nécessaires à la résolution d’un ictère en période néonatale.

Dans une étude, le nombre d’heures de photothérapie subies par des bébés âgés de 48 h à 72 h lors du début du traitement et d’âge gestationnel compris entre 35 et 40 SA a été réduit de plus de 30 % chez les bébés bénéficiant d’au moins trois épisodes quotidiens de peau à peau par rapport à ceux qui n’en bénéficiaient pas. ( Samra NM, El Taweel A, Cadwell K. The effect of kangaroo mother care on the duration of phototherapy of infants re-admitted for neonatal jaundice. J Matern Fetal Neonatal Med. 2012 )

Le soin peau à peau est une bonne façon de prévenir la douleur chez l’enfant à terme et réduit les manifestations douloureuses (comportementales et physiologiques) au moins autant que l’administration d’une solution sucrée fortement dosée, chez le prématuré.

Et en plus de permettre de réduire la réponse à la douleur, le peau à peau permet de réduire le temps de récupération suite à ces procédures douloureuses, l’enfant s’autorégule plus facilement.

En peau à peau le nouveau né entend le bruit du cœur et le rythme de la respiration de son parent, reçoit de la chaleur et est couché sur le ventre. Ces situations lui procurent toutes une douce stimulation des systèmes sensoriels auditif, tactile, vestibulaire et thermique, qui peuvent moduler la perception de la douleur.

« Les hypothèses au sujet de ce mécanisme ne sont pas totalement élucidées, mais il reste que le peau à peau augmente le taux d’endorphine (morphine naturelle) et de cholescystokinine (régulateur des endorphines). La stimulation olfactive (une odeur agréable et/ou une odeur familière, lait maternel par exemple) augmente également le taux de cholescystokinine. » (Pignol, Jérome, Véronique Lochelongue, et Olivier Fléchelles. « Peau à peau : un contact crucial pour le nouveau-né »)

Pour chaque bébé, la présence de ses parents est essentielle pour le protéger des effets iatrogènes des soins, et que leur absence, surtout au moment d’un soin douloureux ou inconfortable, représente un stress toxique à long terme.

Plus le contact peau à peau a été prolongé à la naissance, plus la mère a de chances d’allaiter exclusivement son bébé au moment de la sortie de la maternité.

Le peau à peau chez l’enfant prématuré, quant à lui s’associe à un allaitement de plus longue durée, à des volumes plus élevés de lait exprimé, à un taux plus élevé d’allaitement exclusif et à un plus fort pourcentage d’allaitement à la sortie.

De plus la pratique régulière du soin peau à peau chez l’enfant prématuré favorise précocement la maturation de ses compétences à téter au sein même avant 34 SA. Le peau à peau est donc la première étape des apprentissages successifs qui, tout au long de l’hospitalisation, conduisent le prématuré à téter efficacement.

Le peau à peau permet une meilleure tolérance de l’alimentation chez le prématuré. Les bébés placés en peau à peau pendant et après l’alimentation ont une meilleure température, une saturation en O2 plus haute, des rythmes cardiaque et respiratoire plus bas, une heure après le début de l’alimentation, comparés aux bébés placés en incubateur, en position identique. De plus, la quantité de résidus gastriques est près de 5 fois inférieure dans le groupe peau à peau comparé aux bébés du groupe incubateur. Il a été montré également qu’il y avait moins d’intolérance digestive chez l’enfant placé en peau à peau. Et la durée pour atteindre l’alimentation entérale complète semble également plus courte dans le groupe peau à peau.

La durée du contact peau à peau au cours des 24 premières heures influence la sensibilité de la mère à son bébé et la qualité des interactions mère-bébé au cours de la première année de vie. (Bigelow & al). Le peau à peau précoce favorise ainsi les comportements d’affection, de lien et d’attachement.

Les mères qui ont eu l’occasion de pratiquer le peau à peau avec leur nouveau-né prématuré décrivent le sentiment d’être utiles, ont davantage l’impression de connaître leur enfant et ont une meilleure perception de leur rôle de mère. Il a été constaté aussi que les mères, ayant pratiqué le peau à peau regardaient et touchaient leur nouveau né plus souvent, affichaient un affect plus positif et s’adaptaient mieux aux signaux de leur enfant que les mères qui n’ en avaient pas fait.

Le peau à peau en cas de prématurité est un formidable moyen pour donner leur place aux parents, et soutenir la construction du lien parent-prématuré.

Les enfants prématurés ont moins de périodes de réveil et de sommeil paradoxal (ou agité) pendant le contact peau à peau, ce qui laisse croire à une organisation plus mature du sommeil. Le peau à peau accroît la durée du sommeil, y compris le temps passé en sommeil paisible (ou profond). À terme, les enfant prématurés qui ont profité du peau à peau présentent de plus longues périodes de sommeil paisible et d’éveil vigilant, de plus courtes périodes de sommeil actif et un cycle de sommeil et d’éveil plus organisé par rapport aux autres. Ces enfants se montrent également plus vigilants et réactifs et moins irritables. (Scher et al)

Dans une étude israélienne, des bébés placés en peau à peau entre 15 et 20 mn après leur naissance pendant 60 mn présentaient à H5 une motricité mieux organisée : postures plus en flexion, moins de mouvements saccadés, moins de mouvements d’extension, que ceux placés en incubateur sans épisode de peau à peau. De même, ils présentaient plus de sommeil profond, moins d’éveil somnolent, moins de pleurs et d’agitation, preuve d’une meilleure organisation de leurs états de vigilance (Ferber SG, Makhoul IR. The effect of skin-to-skin contact shortly after birth on the neurobehavioral responses of the term newborn : a randomized, controlled trial. Pediatrics. 2004)

Deux études ont démontré que les prématurés de 25 à 35 semaines d’âge gestationnel qui avaient profité du peau à peau pendant leur séjour à l’hôpital présentaient une meilleure issue neurodéveloppementale et des indices plus élevés de développement mental et psychomoteur (selon les échelles de Bayley du développement du nourrisson) que les enfants qui avaient reçu les soins habituels, tant à 6 mois qu’à 12 mois.

Une étude parue en janvier 2022 (Nathalie Charpak & al, janvier 2022 ), montre que l’accroissement de la substance blanche et grise du cerveau du bébé est directement corrélé au nombre de jours de soin kangourou. Il existe un effet dose du soin kangourou et pour chaque jour de soin kangourou supplémentaire, on note une augmentation de matière grise. Cela confirme, des résultats plus anciens sur le neurodéveloppement, et ce, même à long terme, 20 ans plus tard, sur des adultes ayant bénéficié de soins kangourou à la naissance.

Enfin dans les pays en voie de développement, la pratique de la méthode kangourou (soin en peau à peau 24h/24) réduit l’incidence d’infections nosocomiales. Ce bénéfice n’a pas été démontré dans nos pays industrialisés.

Il y a des choses qui nous apaisent et nous guérissent … Le peau à peau a ce pouvoir extraordinaire et unique … Profitons de ces instants qui nous construisent, qui nous portent dans le tumulte de nos vies.

« Ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau » (Valery)