De l'oralité foetale à l'oralité post natale


Par l’oralité, le bébé acquiert sa première connaissance du monde et de soi même.

Comme vous avez pu le voir dans mon post sur les sens, la bouche est le lieu de rencontre de nombreuses expériences sensorielles pour le fœtus : tactiles, gustatives, olfactives.

L’intérieur de la bouche est recouvert de peau et comporte tous les organes sensoriels cutanés, comme ceux de la main: du tact, de la pression, thermiques, nociceptifs et la langue possède de nombreux récepteurs gustatifs.

 

La position fœtale (d’enroulement) permettant le contact fréquent avec les mains et les pieds (dont le degré de sensibilité est également élevé) ainsi que le liquide amniotique offrant au fœtus la découverte des goûts, des odeurs de l’écologie aérienne et alimentaire de sa mère vont ainsi mettre en place sa première oralité.

L’oralité fœtale

L’oralité primaire fœtale n’a pas de visée nutritionnelle.

Elle est régie par le tronc cérébral, véritable cerveau pour l’oralité primaire (à la différence de l’oralité secondaire, volontaire, régie par le système cortical).

Les premières séquences orales peuvent s’observer vers 12 semaines, certains parlent de mâchonnements, d’autres de succion.

 

L’oralité primaire est marquée à 15 semaines par le réflexe de Hooker. C. Thibault, orthophoniste et psychologue, le décrit ainsi « le palais se forme, la langue descend, la main vient toucher les lèvres, la bouche s’ouvre, et la langue sort pour toucher la main. Cette séquence auto-érotique, première manifestation réflexive d’exploration et de prise de possession de son corps, permet à l’embryon de devenir fœtus. »

 

La succion ainsi développée, précède la déglutition qui se met en place vers 16 semaines.

A partir de la dix-huitième semaine, l’activité orale du fœtus est facilement observable, caractérisée par une coordination succion-déglutition.

Les quantités de liquide amniotique, déglutis par le fœtus augmentent ainsi au fil des mois, pour atteindre selon les auteurs de 0,5 à 3 litres en fin de gestation.

 

La triade succion-déglutition-respiration est quand à elle mature vers 32 semaines.

 

Ces activités précoces qui se mettent en place tout au long de la période fœtale pour

devenir efficientes à la fin de la gestation, sont donc le fruit d’un apprentissage intense qui devra être préservé autant que possible au moment de la naissance.

 

- Parce que la succion est bien plus qu’un réflexe puisqu’au delà d’être le mode d’alimentation majeure de l’enfant, c’est un mode d’approche orale et autoérotique du monde. La bouche attire, absorbe le monde. Elle sert de rencontre entre le corps et l’objet, lieu de plaisir ou de déplaisir. C’est un processus de cognition aussi primaire que décisif.

 

- Parce que la succion est bien plus qu’un comportement automatique parce qu’elle « fait partie d’un programme dont les séquences peuvent être à tout moment contrariées et donc suspendues, devant de nouveau faire l’objet d’un apprentissage » (Préma, un monde de réflexions). Elle n’est automatique qu’en terrain facile ou sans aspérités, sans obstacle.

L’oralité postnatale

La naissance est une étape importante, bouleversante qui nécessite que l’on offre un continuum sensoriel et corporel à l’enfant pour qu’il puisse vivre plus facilement cette transition. Il s’agit alors de proposer au nouveau né des expériences appropriées et surtout cohérentes avec son vécu intra utérin sur les sphères orale, psychomotrice et affective.

 

Éviter les agressions touchant la sphère orale à la naissance:

 

Toutes stimulations nociceptives sur la sphère orale entraîne un univers dystimulant pour le nouveau-né (Barbier, 2010). Ces stimulations douloureuses affectent l’expression, le vécu corporel et le système perceptif de l’enfant et vont s’engrammer dans son corps. Il développera alors des mécanismes de défense : absence de découverte bucco-faciale, inhibition de la succion, exacerbation de la sensibilité bucco-faciale pouvant aller jusqu’à l’hypersensibilité du réflexe nauséeux (Menier et al., 2014).

« Le développement myo-neuronal de la succion déglutition est une étape vulnérable qui peut être irréversiblement perturbé par des agressions toxiques, médicamenteuses ou physiques »(médecine fœtale et échographique, 1991)

 

Continuum sensoriel :

 

L’aréole du sein de la mère, ainsi que le colostrum dégage des odeurs comparables au liquide amniotique (dont les variations s’observent en fonction de l’alimentation et de l’environnement de la mère). Ce qui explique son attractivité pour le nouveau-né.

 

 « La présence dans le milieu postnatal d’indices olfactifs en continuité avec les acquis prénatals peut ainsi faciliter les performances du nouveau-né. D’une façon plus générale, la présence d’éléments familiers dans des contextes de nouveauté favorise les états comportementaux compatibles avec l’expression de l’attention et de l’exploration. »

( Schaal, Benoist. « À la recherche du temps gagné. Comment l'olfaction du fœtus anticipe l'adaptation du nouveau-né, Spirale, vol. 59, no. 3, 2011). 

 

« De plus des données physiologiques récentes suggèrent que la noradrénaline joue un rôle important dans les apprentissages olfactifs or pendant les heures qui suivent la naissance, les taux sériques de catécholamines sont 20 à 30 fois plus élevés que chez l’enfant plus âgé ; cela pourrait faciliter à l’enfant la reconnaissance de la signature olfactive de sa mère dans les heures qui suivent la naissance. » ( Soussignan R, Sagot P, Schaal B. )

 

L’importance du peau à peau, dans les toutes premières heures qui suivent mais aussi bien au delà est donc majeure. Si il permet la mise en place des premières tétées optimales, il offre avant tout au nouveau né la possibilité de s’imprégner de « nourritures polysensorielles et affectives » (Cyrulnik, 2000) qu’il connaît déjà.

 

Continuum postural :

 

La posture enroulée in utero a offert au fœtus un référentiel spatial propice aux expériences orales et péri-orales (Bullinger, 2004).

 

Il est alors essentiel, pour permettre la maturation de la séquence succion-déglutition-respiration de préserver cette posture : bassin retroversé, appuis sous les jambes et le rachis cervical, mains regroupées sur l’axe. « Cette posture va entre autre entraîner une détente du raphé hyomandibulaire essentielle à une expression sans contrainte de la triade » (Abadie, 2012)

 

« Cette succession d’événements auxquels le bébé participe lors de la situation de repas a un aspect narratif, chaque élément de cette narration étant important pour aboutir à l’état final de plaisir. Dans cette chaîne d’événements, les composantes sensori-motrices jouent un rôle important. L’absence d’un ou de plusieurs éléments brise la continuité et rend la situation difficile à appréhender par le bébé. Concernant la posture, les mises en forme dans un schéma d’enroulement, avec une flexion de la nuque et un appui dans le dos, assurent d’une part une détente de la musculature de la nuque permettant au réflexe de déglutition de fonctionner sans entrave, d’autre part l’appui dans le dos maintient la mise en forme du corps qui pourrait se désorganiser si la stimulation orale ou périorale était perçue comme irritative, entraînant une réponse d’hyper-extension. Cette contenance posturale offerte par la personne qui nourrit est un élément du dialogue tonique, tout comme les mouvements de la main qui perçoivent et accompagnent avec le biberon le mouvement de succion » (La vie de l’enfant, Bullinger, 2007)

 

A cette contenance posturale, il faudra bien sûr associer une contenance humaine. Le dialogue émotionnel (postures du parent, tensions, verbalisation, ...) qui se joue entre le parent et l’enfant a également toute son importance. C’est tout ce dialogue tonique aussi bien postural que verbal qu’il convient de préserver et d’ajuster.

 

Prenons soin de cette oralité, prenons soin de cette succion …

Parce que la succion, l’oralité est une fondation première autour de laquelle le bébé va se construire, en lui apportant tout à la fois ... de la survie qui peut être à tout moment contrarié, de la complexité dans l’alimentaire qui en fait déjà un comportement, du plaisir, du déplaisir, de l’implacable refus, de la sécurisation, de l’analgésie, de l’apprentissage, de la sollicitation, de l’initiative ...

Et parce que cette oralité primaire conditionne également la mise en place du langage, des apprentissages, du développement postural, prenons en soin.


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